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Les grands noms de la Parfumerie : François Coty

L’arrivée de François Coty marque une rupture majeure dans l’univers de la parfumerie. Son ambition sans limites, son flair exceptionnel et son sens aigu de l’organisation en font une personnalité hors du commun. Avec son allure de self-made man à l’américaine, il pose les bases de la parfumerie moderne. Grâce à lui, les codes de l’olfactif, de la distribution, de la communication et de l’exportation ont profondément évolué.
Les débuts : quelques notions de chimie
Rien ne semblait prédestiner François Spoturno, d’origine corse, à l’univers des parfums. Orphelin très jeune, il est élevé par sa grand-mère. Contraint d’abandonner l’école à treize ans pour des raisons financières, il ne perd rien de sa détermination. En 1900, il arrive à Paris où il devient secrétaire du politicien Emmanuel Arène, qu’il a connu au régiment, tout en travaillant comme placier dans la mode. Cette même année, il épouse Yvonne Le Baron, fille d’un grand prix de Rome en gravure.
Alors que l’Exposition Universelle bat son plein à Paris, une visite chez son ami pharmacien Raymond Goëry, installé près de la Tour Eiffel, l’amène à découvrir le stand dédié à la parfumerie. Il n’a encore aucune formation en chimie ni en parfumerie, mais passe son temps libre auprès de son ami, qui fabrique une eau de Cologne artisanale, inspirée des formules du Codex. Spoturno, critique à l’égard des parfums de l’époque, qu’il juge fades, chargés et sans inspiration, esquisse déjà les lignes de la transformation qu’il entend apporter à cet univers.
Il décide alors de cultiver son goût et son talent en matière olfactive, et commence à étudier la chimie. Il se rend à Grasse pour se former aux matières premières naturelles et aux molécules de synthèse, probablement au sein des Laboratoires Chiris, futurs fournisseurs de la maison Coty.
Le choix du nom : Coty, celui de sa mère
Pour se lancer dans la parfumerie, Spoturno emprunte à sa grand-mère plusieurs milliers de francs-or et choisit de prendre le nom de jeune fille de sa mère, Coty. En 1904, il s’installe rue de la Boétie, dans un petit local parisien où cohabitent boutique, laboratoire et atelier de conditionnement. Il ne dispose ni de fonds conséquents, ni de l’expérience des grandes maisons, mais il possède une force décisive : l’innovation.
Inconnu du grand public, il n’a pas à respecter de codes ou d’héritage prestigieux. Il fait le pari de la modernité et veut élargir l’audience de la parfumerie, traditionnellement réservée aux femmes du monde et demi-mondaines, à une bourgeoisie plus large. À ses yeux, le parfum doit s’inscrire dans la vitalité artistique et intellectuelle de Paris.
Pour les femmes, il imagine des fragrances inédites. En 1904, il lance La Rose Jacqueminot, un soliflore. Les débuts sont difficiles. Aucun commerçant ne veut prendre le risque d’un parfum inconnu. L’histoire raconte que le succès vint un jour de 1904 lorsque Coty, excédé par le refus du directeur des Grands Magasins du Louvre de sentir la Rose Jacqueminot, en brisa un flacon sur un comptoir, et que les clientes envoûtées par le parfum dévalisèrent le stock en quelques secondes. Histoire vraie ou coup de marketing inventé ? Le fait est qu’à la fin de l’année 1904 la Rose Jacqueminot triomphe. Dès lors, tout s’accélère : L’Origan en 1905, Ambre Antique, puis Chypre en 1917, et bien d’autres encore, viennent enrichir sa collection.
Un flacon aussi essentiel que le parfum
Convaincu qu’un parfum “se regarde autant qu’il se respire”, Coty fait du flacon un objet artistique à part entière. Il est un pionnier dans la collaboration entre parfumeur et verrier. Dès 1910, il fait appel à René Lalique, qui crée pour lui un flacon en cristal orné de libellules féminines pour le parfum Cyclamen. Le flacon, selon Coty, doit rassurer tout en valorisant le goût et l’ego de la cliente. Cette collaboration donne naissance à une nouvelle tendance : offrir à chaque parfum un flacon unique.
Pour les étiquettes et les emballages, Coty collabore avec Draeger, jeune imprimeur d’art à Montrouge. Ensemble, ils impriment des décors en or véritable sur papier doré. Draeger deviendra le principal créateur des boîtes Coty, souvent enrichies d’or fin.
Coty fait aussi appel à Jean Helleu, qui peint des tableaux destinés à illustrer ses emballages, comme celui représentant une Parisienne devenu emblème d’une boîte de poudre. Vers 1910, la première affiche publicitaire de la marque est une estampe aquarellée signée de l’artiste.
Un triomphe fulgurant
Certains de ses produits assurent à Coty une notoriété mondiale, à l’image de sa boîte de poudre compacte : en 1914, il s’en vend 30 000 exemplaires par jour aux États-Unis. Sa fortune se construit d’abord sur les parfums, puis s’étend avec les poudres. Le chiffre d’affaires croît rapidement. Il ouvre des dépôts en région, inaugure une luxueuse boutique place Vendôme, s’implante à l’international et participe aux grandes expositions, à Bruxelles en 1911 et à Kiev en 1913.
Pendant la Première Guerre mondiale, son succès se confirme. Blessé en 1915, il est démobilisé et en profite pour agrandir ses installations à Suresnes. Il s’installe à proximité, dans le château de Longchamp. En 1923, Coty devient un industriel de premier plan et transforme son entreprise florissante en société anonyme, réalisant des bénéfices considérables. Il figure alors parmi les plus grands propriétaires fonciers de France.
Parfumeur, homme politique et patron de presse après avoir racheté Le Figaro en 1922, François Coty atteint des sommets. Il décède en 1934, laissant derrière lui une révolution durable dans l’univers du parfum.